Dans le sport, il y a des trajectoires qui ne sont pas linéaires, pas toute tracées. C’est le cas de celle de Rabah Slimani. A 35 ans, après un déménagement au Leinster et presque 6 ans d’absence sous le maillot bleu, le voici qui a pris place sur des compositions de cette tournée 2025.

Un choix atypique mais qui découle probablement d’une saison exceptionnelle dans la province irlandaise, qui n’adopte que peu d’étrangers dans son fonctionnement. Et pourtant, le pilier totalise 23 matchs avec l’équipe irlandaise, dont une Finale d’URC et une demie-finale de Champions Cup. Arrivé en septembre 2024 après 7 ans passé en Auvergne, il s’est aisément créé sa place dans un effectif XXL.

Un pilier pour encadrer les jeunes

Dans le cadre de ces tournées d’été incubatrices de talent, il faut aussi des joueurs d’expérience pour coordonner les esprits et calmer le jeu. C’est le rôle que devra prendre Rabah, avec ses autres comparses tauliers du XV de France (Gaël Fickou, 31 ans, 93 sélections ou Romain Taofifenua, 34 ans, 51 sélections). Avec un groupe ayant une moyenne d’âge d’un peu plus de 25 ans et d’environ 9 sélections, il fallait des canalisateurs d’énergie sur le terrain. Et on peut dire que Rabah Slimani et Gaël Fickou ont mené ce rôle à bien.

Les deux joueurs de sang-froid ont su, à plusieurs reprises, canaliser la fougue de leurs coéquipiers, même rattraper quelques-unes de leurs erreurs parfois, tout en leur apprenant les bonnes pratiques. Et la transmission, c’est un rôle dans lequel Rabah se plaît. Comme on peut l’entendre dans le podcast Depuis le Début, par Rugby Physio, il se plait à transmettre son savoir et sa passion du rubgy, notamment auprès des jeunes du Leinster mais probablement aussi auprès des jeunes piliers présents dans cette tournée 2025. Dans un poste qui est peut-être un des plus puissants et complexes à maîtriser du rugby, il a réussi à créer un lien de confiance et de transmission avec les jeunes joueurs en apprentissage.

Une force de caractère malgré des passages compliqués

Après son appel en février, le pilier a visiblement apporté satisfaction au staff de l’Equipe de France car sa présence fut requise pour cette tournée cruciale, durant laquelle les Bleus ont également montré les crocs. Pourtant, le chemin de Rabah dans le rugby n’a pas été sans encombre.

Dans son parcours rugbystique, de nombreux questionnements ont accompagné sa pratique. Malgré des contrats avec des clubs prestigieux de Top 14 (Stade Français Paris et ASM Clermont Auvergne), le pilier n’a eu de cesse de remettre en question ses facultés et compétences au poste. Il explique par exemple dans le podcast avoir eu beaucoup de questionnements à la suite du Covid, lors de son retour sur les terrains de rugby. Un manque de confiance et des questionnements qui ont causé chez lui une profonde remise en question.

Questionnement qu’il attribue également parfois aux médias dont il reconnait qu’ils ne sont parfois pas les plus bienveillants et qu’ils ne se rendent pas compte du rôle qu’ils jouent dans la carrière d’un joueur. Dans le podcast, il exprime que le rôle du public, des réseaux sociaux et des médias, qui notent les joueurs tous les week-end, peut avoir un effet négatifs, notamment sur les jeunes joueurs. « Les gens et les médias oublient vite. Tu peux être le meilleur et être aux portes de l’Equipe de France, louper un truc et les gens oublient. »

Une difficulté qu’il a lui-même pu ressentir tout au long de sa carrière et qui l’a même poussé à se questionner sur son avenir. Entre questionnement sur son âge mais aussi sur sa place dans les effectifs, il a fait le choix le plus logique : celui d’une équipe qui le voulait vraiment et qui ne parlait pas de son âge. Un club qui est venu le chercher et qui lui a donné un double des clefs. Un contraste choquant avec le contexte français où il explique qu’il ne ressentait plus de confiance, qu’on le laissait partir doucement sans vraiment vouloir le retenir mais sans vraiment lui signifier.

L’importance pour lui de parler et de transmettre, de la bonne façon

Il explique également l’importance de parler des sujets compliqués, durs à verbaliser et qui sont sources de doute. Son rôle dans le vestiaire, qui a peut-être renforcé son retour en Equipe de France, a changé au fil des années. D’abord plus effacé, à l’image d’un joueur qui veut prouver sa place, il prend maintenant le temps de parler et notamment entre quatres yeux, avec les joueurs dont il ressent le malaise. Afin de libérer un poids sur les épaules de ces joueurs, il lui arrive de prendre les devants et de créer la discussion.

Ce rôle, renforcé par ses propres périodes de doute et de remise en question, a pris de l’ampleur depuis son arrivée au Leinster puisqu’il met un point d’honneur à donner les bons conseils au plus jeunes et à les emmener vers la bonne voie. Lui qui a souvent remis en question son niveau et ses compétences n’a de cesse désormais de parler et de faire parler pour briser les moments de solitude profondes qui peuvent accompagner les joueurs de rugby. Il souligne également l’importance d’être accompagné et de ne pas taire ses pensées négatives.

Grâce à son arrivée au Leinster dans un environnement plus serein, cadré et ouvert, Rabah Slimani a retrouvé un équilibre qu’il avait perdu. Il se sent en confiance, notamment grâce à des relations apaisées avec ses coachs et un environnement où la performance est soumise à la responsabilité de chaque joueur et moins au contrôle des coachs. Cet environnement qui a donné un second souffle au joueur originaire de Sarcelles et lui a permis d’améliorer ses performances et de retrouver du calme mental, pour enfin retrouver le maillot bleu.