Inside the Game : la nouvelle série de Raffaele Storti

Certains d’entre vous connaissent déjà Raffaele suite à son passage à Béziers et au Stade Français ou plus récemment à Grenoble, où il évolue encore. D’autres l’ont probablement encouragé lors de ses apparitions en équipe nationale du Portugal. Au delà de son parcours rugbystique, Raffaele Storti est également porteur d’un nouveau projet dont il a accepté de nous partager les détails.

Raffaele, on est ravi de te recevoir. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ton parcours pour ceux qui ne te connaissent pas du tout ?

Bonjour à tous, merci de m’avoir invité. Mon parcours rugby est un peu particulier : j’ai joué jusqu’à mes 20 ans au Portugal. J’ai commencé très jeune, à 10 ans et j’étais amateur jusqu’à 20 ans. A l’époque, je jouais avec la sélection portugaise, dont l’entraineur était Patrice Lagisquet. J’ai beaucoup échangé avec lui et il m’a aidé pour essayer d’avoir une expérience professionnelle en France. On a parlé avec quelques clubs et j’ai rejoint le Stade Français Paris, où j’ai signé un contrat de 3 ans. Je suis resté un an là-bas, en espoir et je suis parti en prêt à Béziers pendant deux ans. Après, quand ce prêt s’est terminé, j’ai re-signé au Stade Français et je suis resté un an en tant que pro. Et cette année, j’ai signé avec Grenoble pour deux saisons.

En parallèle de cette arrivée à Grenoble, tu as lancé une série de vidéos qui s’appelle Inside the Game. Peux-tu nous en parler un petit peu ?

Inside the Game, c’est une série que j’ai lancée avec trois formats de vidéos. Le premier, ce sont des épisodes qui sortent toutes les deux semaines. Ce sont des vidéos entre 2 et 4 minutes qui parlent de la vie d’un joueur professionnel, au delà des matchs. Pas que les matchs, les essais et ce que l’on voit grâce aux caméras. Je parle aussi de la pression, de la santé mentale, des entrainements, de la musculation, de l’alimentation : en fait, tout ce qu’un joueur fait et que parfois on ne voit pas. J’ai aussi un format de vidéos plus courtes, qui ne sont pas comme les épisodes « documentaires », qui est un peu moins sérieux, que je partage sur Tiktok. Mon dernier format est un échange avec des gens qui ont des carrières particulières, sur le parcours des athlètes. Pour l’instant, je n’ai discuté qu’avec des rugbymen mais j’aimerais étendre aussi à d’autres sports pour parler un peu des difficultés qu’ils ont eues dans leur carrière. Ce sont des podcasts, des conversations qui font environ 30 minutes, pour que ce ne soit pas trop long. Je trouve ça important de partager ce type d’histoires et de parcours car parfois les gens ne se rendent pas compte que la vie d’un joueur professionnel n’est pas toujours aussi facile que ce que l’on pense. C’est vrai que l’on a la chance de faire ce que l’on aime et on a la chance de pratiquer ça mais il y’a plein de choses qui peuvent être un peu difficiles.

Oui, les gens ne se rendent pas toujours compte de tout ce qu’il y’a autour du fait de pratiquer son sport.

Oui, bien sûr. Le physique, c’est important mais la partie mentale… Tous les jobs ont cette partie-là mais quand on est exposé médiatiquement, comme les joueurs, ça peut être compliqué.

Est-ce que tu peux nous parler un peu d’où vient l’idée de créer cette série pour parler de ton quotidien et des à côtés ?

Oui, j’ai eu cette idée l’année dernière, dans ma dernière année au Stade Français. Les choses n’allaient pas très bien et ne marchaient pas comme je l’avais imaginé. Puis, au début, j’avais pas mal de lésions et de blessures, dont une qui m’a arrêté pendant quelques temps. Et après quand je suis revenu, je n’ai pas joué pendant longtemps. Je n’ai pas eu les opportunités que j’espérais avoir. C’était compliqué pour moi car ça ne m’était jamais arrivé. Et je sentais à l’époque que les gens ne parlaient pas trop de ça, de ces difficultés. Je pense que ça m’aurait beaucoup aidé quand j’étais dans cette situation-là, d’écouter des gens qui passent par des situations similaires. Parce que je savais que je n’étais pas seul mais j’ai trouvé que ce thème était un peu un tabou encore. J’ai pensé à lancer ce projet pour ça et aussi un peu pour les jeunes qui veulent être professionnel ici au Portugal où le rugby est encore amateur. Il y a beaucoup de jeunes joueurs qui veulent être professionnels. Mais ils ne se rendent par compte que la vie professionnelle ne se limite pas qu’aux matchs.

Oui, tu avais envie de montrer aussi qu’il n’y avait pas que des bons côtés, de sortir un peu de ce côté idéalisé peut-être du sportif pro et des gens qui se rendent pas compte de tout ce qu’il y a autour.

Oui, exactement ça. Après, je montre aussi des bons moments. Je dis pas qu’il n’y a que des mauvais moments. On a beaucoup de chance de pouvoir jouer au rugby professionnel. Mais, dans ces moments-là, il faut être préparé.

Tu parlais aussi de jeunes au Portugal qui potentiellement voulaient devenir sportifs pro. Tu ressens qu’il y a vraiment un besoin peut-être là-bas où on parle un petit peu moins de rugby, de ton sport, de leur montrer vraiment la réalité ?

C’est sûr. Au Portugal, le rugby est amateur encore et les jeunes ne sont pas très en contact avec la vie d’un joueur professionnel. Si c’est compliqué d’avoir une idée de la vie d’un joueur professionnel en France, imagine au Portugal, où il n’y a pas beaucoup de joueurs qui le font. Je fais ça aussi pour ces gens-là. Quand j’avais leur âge, je me posais des questions aussi. Je voulais savoir ce que les joueurs faisaient dans leur vie, leur quotidien, savoir comment ils se préparent pour les matchs, qu’est-ce qu’ils pensent avant les matchs, la pression, les superstitions… Je trouve que ce sont des points intéressants qui ne sont pas très abordés. Avec les réseaux sociaux, c’est beaucoup plus facile de montrer ça et d’atteindre beaucoup de jeunes qui trouvent ces contenus intéressants.

Est-ce t’as senti que tu étais assez accompagné entre guillemets quand t’as eu des moments un peu plus difficiles ou pas trop ?

Au Stade français, ils essaient d’aider sur cette partie-là. Il y a une psychologue au club. Et j’ai essayé de me rapprocher des gens, de parler de ce que j’ai vécu et aussi de parler avec la psychologue. Mais il me manquait des vraies histoires des gens qui passent par la même chose. Parce que des fois, on se sent un peu seul. Être loin de chez moi, de mes copains, je trouvais ça un peu compliqué. Mais c’est vrai qu’au Stade Français, ils avaient des ressources pour essayer d’aider les joueurs.

L’année dernière, on ne t’a pas beaucoup vu dans les communications du club, certains supporters posaient beaucoup de questions sur ce qu’il se passait, tes blessures… Est-ce que cela faisait aussi partie de ton idée de parler de tout ce côté-là et de dire « comme je suis un peu de mon côté, j’ai envie aussi de raconter ce quotidien » ?

A Paris, j’ai été blessé les quatre premiers mois. C’est vrai que quand tu es blessé, tu t’entraînes pas avec l’équipe, tu as kiné, tu as une vie différente des autres joueurs, c’est sûr et c’est une vie dure parce que des fois tu te sens un peu seul, tu ne vois pas la lumière au fond du tunnel. Des fois les blessures, ça prend beaucoup de temps. Et moi, je veux aussi montrer cette partie-là. Pour l’instant, je ne suis pas blessé et j’espère continuer comme ça. (Non, on croise les doigts.) Mais oui, en début de saison, j’étais blessé, j’ai montré aussi cette partie-là de nos vies, qui est un peu différente. Et ça fait partie aussi de la vie d’un joueur professionnel.

Tu parlais tout à l’heure d’un format de podcast. Tu as déjà discuté avec deux joueurs sur leur parcours. Est-ce que tu peux me parler de celui avec Will Percillier ?

En fait, c’est une conversation que j’ai avec les joueurs, un peu pour parler de leur côté, de mon côté, de parler un peu sur leur parcours et de le raconter. Je sentais que Will avait une histoire particulière, intéressante parce qu’il était au Stade Français depuis jeune. Il a commencé à jouer en Top 14 à 19 ans. Il avait un gros potentiel, était un très bon joueur et à 24 ans, il a eu un burn-out. Il a arrêté d’aimer le sport et je voulais échanger un peu avec lui pour comprendre pourquoi il a pris sa décision, comment il l’a prise, s’il regrettait… On a habité ensemble à Paris quand je jouais au Stade Français, du coup je le connaissais très bien. Il a toujours beaucoup aimé le rugby et je trouvais que c’était une histoire importante à partager.

Ce que j’ai trouvé hyper intéressant dans cet échange-là, c’était de voir à quel point il est vraiment entraîné par ses passions, il préfère vivre de quelque chose qu’il aime et peut-être en vivre moins bien que du rugby. J’ai bien aimé sa phrase : « Si vous aimez pas ce que vous faites, arrêtez de le faire. » Et je trouve ça hyper puissant, entre guillemets, pour un athlète qui gagne probablement bien sa vie et qui est quand même dans un cercle qui est assez vertueux parfois, de dire justement : « j’aimais plus ce que je faisais, donc j’ai décidé d’arrêter, alors que j’aurais peut-être pu continuer ».

Oui, c’est jamais évident de prendre une grosse décision comme ça. D’arrêter ton travail et te trouver sans rien parce que quand il a arrêté, il ne savait pas ce qu’il allait faire. Et du jour au lendemain, tu arrêtes ton travail que tu as fait toute ta vie et qui était ton rêve. D’un moment à l’autre, il a dit que c’était bon pour lui. J’ai trouvé ça très impressionnant parce que c’est jamais évident. Et c’est vrai que… Parfois on ne met même pas cette option d’arrêter. Et selon les situations, il faut savoir dire « arrête ». Après, je ne dis pas qu’il faut quitter tout de suite. Il faut être résilient. Et il a expliqué ça Will, il n’a pas arrêté parce qu’il a fait un mauvais match. C’était une décision qu’il avait réfléchie pendant longtemps.

Miniature de l’échange réalisé avec Will Percillier sur Youtube©️ Raffaele Storti

Cette semaine est également sorti ton échange avec Antonin Berruyer. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi tu voulais parler de son parcours ?

Il a une histoire incroyable de résilience. Il a eu un problème de santé, un AVC à 20 ans, quand il était très en forme dans sa carrière. Il était Champion du Monde des U20 avec l’Equipe de France. Il jouait déjà en Top 14. ll avait et il a encore un gros potentiel. Et là, il a un problème de santé qui le fait arrêter pendant deux ans et demi le rugby sans savoir s’il pourrait reprendre à jouer. Mais malgré ça, pendant ces deux ans et demi, il n’a jamais abandonné. Il a toujours continué à s’entrainer sans contact, il s’est toujours entraîné avec l’équipe, a participé aux réunions, est allé à la muscu… Il a tout continué avec l’espoir de reprendre à jouer un jour. Il est resté motivé et aujourd’hui il est capitaine de Grenoble. C’est une histoire incroyable. Je voulais mettre en avant son histoire pour montrer aussi que la résilience, c’est un mot fort dans le sport.

Miniature de la vidéo réalisée avec Antonin Berruyer ©️ Raffaele Storti / FC Grenoble

C’est sûr que c’est d’autant plus fort d’entendre des histoires comme celle d’Antonin qui sont marquantes de persévérance et de résilience. On sent vraiment que c’est une série qui est à la fois tournée vers toi, ton expérience, mais aussi que tu as envie de partager, d’ouvrir la parole, peut-être d’inspirer les autres en racontant des histoires. C’est vraiment ta volonté aussi de montrer aux gens qu’il y a plein d’histoires différentes dans le sport de haut niveau et que chaque parcours peut amener à la réussite ?

En effet. Bien sûr, je raconte mon histoire, mais après mon histoire, c’est une histoire sur pleins de parcours différents. Et je veux montrer exactement ça, que ce n’est pas que moi, ce n’est pas que Will. Il y a beaucoup d’histoires différentes et intéressantes. Après, je veux aborder ce thème de la santé mentale, mais je ne suis pas un expert de ça. Je n’ai pas la théorie, je ne suis pas un psychologue. Du coup, je veux montrer ça, mettre en avant des histoires de vie. Si je veux parler de la santé, je veux montrer cette partie, en utilisant des histoires et en parlant avec des gens qui ont passé des moments compliqués, des expériences et parcours de vie.. Et pas que dans le rugby. Je veux parler avec des gens d’autres sports. J’ai pour projet de parler avec un athlète du surf, avec un tennisman, parce que les sports individuels ont aussi des moments que l’on ne vit pas dans le sport collectif. J’ai envie de montrer aussi ça.

Pour conclure, est-ce que tu peux donner aux personnes qui vont te lire un conseil que toi tu aurais aimé entendre ?

Je pense qu’il faut savoir toujours pourquoi on est là, pourquoi on fait ce que l’on fait. Des fois, on pense trop à notre objectif, à où on veut arriver et on oublie de profiter des moments, d’être heureux d’où on est. J’ai ce conseil là et aussi le conseil de parler, de ne pas avoir peur de parler. On n’est pas inférieur si on passe par des difficultés. Tout le monde a des problèmes et c’est important de parler et ça nous aide beaucoup. Peut-être comme c’était la première fois où j’étais vraiment mal, où je suis passé par des moments vraiment compliqués, je n’ai pas trop parlé, j’ai gardé un peu trop pour moi et j’ai trouvé que c’était un peu compliqué. Et du coup je pense qu’il faut profiter des moments et ne pas avoir peur de parler. Si je pouvais donner deux conseils, ça serait ça.

Vous pouvez retrouver la série Inside the Game sur le compte Instagram de Raffaele Storti, sur son compte Tiktok ou sa page Youtube.

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