
⚠️ A l’heure où nous écrivons ces lignes, Eli Katoa est sorti de chirurgie et a quitté les soins intensifs.
Lors du match du Championnat du Pacifique (en rugby à XIII) opposant les Tonga à la Nouvelle-Zélande le 2 novembre, Eli Katoa (deuxième ligne de l’équipe tongienne et des Melbourne Storm) a malheureusement été victime d’un « incident sans précédent ». Victime d’un choc à la tête assez violent durant l’échauffement, le joueur a été autorisé à jouer, malgré des images durant lesquelles on le voit au sol, sonné. Shaun Johnson, ancienne star des All Blacks, explique : « Pendant l’échauffement, il prend une épaule dans la tête et il tombe au sol complètement sonné. Il n’est pas endormi au sol, il se tourne un peu mais c’est un corps presque inanimé au sol. Je me rappelle avoir pensé direct quand je l’ai vu que : ok, si c’était arrivé pendant un match ou un entrainement dans la semaine, il n’aurait pas joué. »
Les médecins s’occupent alors de lui et nous ne savons pas officiellement s’il a passé un protocole commotion, ce qui selon Shaun Johnson, n’était pas forcément nécessaire. Pour lui, il aurait même du être catégorisé Cat 1 après la violence du choc (c’est-à-dire qu’il n’aurait même pas dû passer le protocole et être directement retiré du match). Mais les médecins de l’équipe ne le jugent pas inapte à jouer. Alors, il prend part à la première mi-temps.

Durant celle-ci, tout se passe plutôt bien. Jusqu’à ce qu’Eli Katoa n’encaisse un second choc à la tête à la 10ème minute. Il est directement évacué du terrain pour aller passer un nouveau protocole commotion (une HIA en anglais). En additionnant ces images à celle de l’échauffement, le verdict semble clair : il ne devrait pas fouler la pelouse de nouveau, comme le dit Shaun Johnson en se mettant à la place des médecins : « On va devoir prendre la décision à ta place maintenant, en tant que médecin de l’équipe, on prend soin de lui et on ne lui laisse même pas la possibilité de passer le protocole et de revenir sur le terrain. » Mais à la surprise générale, les médecins l’envoient passer le protocole. Et ils le jugent apte. Il revient donc sur la pelouse pour entamer la seconde période.
Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il assure sur le terrain. Il fait le taff. Jusqu’à ce qu’il n’encaisse un troisième choc à la tête à la 51ème minute. Eli Katoa est sonné. Pour la troisième fois en un seul match. Il est directement retiré du match (sans passer le protocole) mais la situation s’empire alors qu’il est sur le banc. On le voit alors avoir recours à un masque à oxygène et transporté sur la civière.
Le joueur de 25 ans est ensuite évacué en direction de l’hôpital où il a été opéré d’urgence pour des activités épileptiques et une hémorragie cérébrales. Selon les Melbourne Storm (via un communiqué), l’opération s’est bien passée et il se trouve désormais dans des conditions stables. Son oncle, Reverend Setelo Katoa, a dit qu’il se sentait mieux et était sorti des soins intensifs. Sa famille et lui-même sont reconnaissants du soutien qu’ils reçoivent.
La communauté de la NRL énervée après le traitement médical qu’Eli Katoa a subi pendant le match
Qu’il s’agisse de Shaun Johnson, d’anciens joueurs ou de fans, les voix s’élèvent pour protester contre la mise en danger subie par le jeune joueur. Une incompréhension générale et une colère froide qui a fait gronder un grand nombre de voix et forcer la National Rugby League (ou NRL pour les intimes, le Championnat professionnel de Rugby à XIII basé en Australie et en Nouvelle-Zélande) a ouvrir une enquête sur l’incident.
David Riccio, journaliste rugby pour News Corp, l’exprime d’ailleurs à SEN Radio : « Je pense que, depuis que je couvre le rugby à XIII, je n’ai jamais vu une telle situation. Et ce qui s’est passé… Eli Katoa, sur la touche, montrait clairement des signes de détresse. Son état de santé se détériorait. J’étais dans la tribune de presse et j’ai vu la scène se dérouler. » Il continue : « La première chose qui a éveillé mon intérêt, c’est que Leka Halasima était celui qui semblait le plus inquiet. Il gesticulait, montrait du doigt, demandait de l’aide au personnel d’assistance et à ses coéquipiers pour Eli Katoa… on voyait que son corps commençait à s’affaisser. C’est à ce moment-là que l’inquiétude est devenue réelle.«
Selon Shaun Johnson, des « têtes vont tomber » à la suite de cet incident. Il se décrit lui-même comme énervé de la situation et ne comprend pas comment cela a pu en arriver à ce point-là.
L’ancien All Black Steve Devine, qui a été forcé de prendre sa retraite à cause des commotions, s’est lui aussi exprimé : « Au début, j’étais stupéfait. C’était une collision violente et, à voir la façon dont la sueur rebondissait dans le champ de la caméra, l’impact était énorme. Et puis, j’ai été un peu stupéfait de le voir revenir sur le terrain et être autorisé à jouer.«
La plupart des personnes interrogées sur le sujet s’accordent pour dire qu’il n’aurait pas dû être autorisé à revenir sur le terrain. Sans avoir trop de recul sur la situation, le coach des Tonga Kristian Woolf a défendu le processus de l’équipe sur la décision qui a été prise par les médecins : « Tout a été fait selon les règles. Les médecins ont suivi le protocole commotion comme d’habitude, ce sont deux médecins expérimentés et il a passé le test correctement. » Il poursuit en disant : « Mon travail n’est pas de remettre en question le travail des médecins. Ils étaient tous les deux à l’aise avec le fait de le faire revenir sur le terrain donc je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter plus que ça à propos du process. » Une déclaration qui fait froid dans le dos quand on connait la suite des événements.
D’autant plus quand on sait que les officiels tongiens, dont les médecins, n’avaient pas vu les images du choc d’Eli Katoa avant de lui donner l’autorisation de jouer. Une fois visionnées, ils ont signifié au Sydney Morning Herald, qu’ils « ne l’auraient pas laissé jouer s’ils avaient vu les images du choc d’avant match ».
Suite à cet incident, la NRL considère désormais un changement majeur dans la façon de surveiller les échauffements. Dans ses règles, la NRL ne laisse pas les joueurs revenir sur le terrain après être sortis deux fois pour protocole commotion. Comme le premier choc a eu lieu pendant l’échauffement, le médecin de match n’a pas eu son mot à dire sur le sujet et les replays n’étaient pas directement disponibles mais la NRL a ouvert la discussion à une modification de protocole.
Toute cette affaire ne fait qu’appuyer les préoccupations autour des chocs à la tête reçus par les joueurs de rugby (à XIII, à XV ou même parfois à 7), qui peuvent être désastreux pour les joueurs et qui sont encore un aspect méconnu de la médecine sportive. Nous souhaitons à Eli Katoa un bon rétablissement et espérons que les mentalités continueront d’évoluer autour de ces thématiques.






